Les pratiques de flagellation sont le mode privilégié de relation entre le Sadique et le masochiste, elles procurent à la fois la douleur et l'humiliation. Elles conduisent ainsi à poser une question capitale : Quelle « faute » a donc commise le masochiste pour qu'elle induise en lui un sentiment de culpabilité qui lui intime ainsi de solliciter une punition ?
Il me semble qu’il est difficile de ne pas faire de rapprochement entre la pratique de la flagellation relevant d’une part, de la religion et d’autre part, de pratiques pervers. Si l’on s’intéresse davantage au phénomène du Masochisme, étudié pendant plus de trente ans par Theodor Reik, disciple de Freud, on en comprend mieux les rouages. Les personnes vont rechercher au travers de ces pratiques un bien-être, un soulagement, une façon de se déculpabiliser. Et force est de constater qu’il est plus facile de s’afficher comme fervent catholique que comme masochiste exhibitionniste. A ce titre, je vous invite à lire le livre "Le Masochisme", et plus particulièrement le chapitre 24 (les chapitres Martyr et Masochiste: traits communs contrastés) et 25 (Les paradoxes du Christ).
N’oublions pas de dire que la souffrance physique permet au cerveau de délivrer une forte dose d’endorphine, tout comme l’acte amoureux, permettant une sensation d’extase. De plus, la flagellation est un fort symbole de domination, l'excitation sexuelle associée à la situation souligne l’exhibitionnisme, le voyeurisme, le fétichisme, et le sado-masochisme. La stimulation physique savamment dosée de certaines zones sensibles peut conduire certaines personnes à l’orgasme. Suivant l'envie du Dominant la personne soumise peut être lors de jeux érotiques attachée par des menottes, bondagée, mise sur la croix de Saint-André … la flagellation est le plus souvent pratiquée du côté des organes génitaux, seins et fesses.
Dans la tradition religieuse occidentale, le désir d'être battu et fouetté reflète le désir de «pénitence» qui participe souvent l'humiliation, la honte, la douleur, l'adoration et la soumission. Dans les monastères et les églises, tête baissée, les genoux pliés, les mains jointes, couverts têtes et prostration du corps entier reflètent la position masochiste de base. Les auteurs du Nouveau Testament font mention fréquente de flagellation et la douleur physique. L'ensemble du "Jeu de la Passion» du Christ, un récit qui a été intégré dans notre psyché collective des milliers d'années, implique la servitude, la flagellation et de la crucifixion dans le cadre d'être soumis à la volonté d'une puissance supérieure et la résurrection subséquente à une conscience transcendante. C'est exactement ce que l'on retrouve dans une relation D/s , cela explique peut-être pourquoi ces situations et ressentis font plus échos pour certains d'entre nous ...
La flagellation dans les monastères et les couvents étaient à l'ordre du jour. De se flagellant, les prêtres ont commencé à flageller leurs pénitents dans le cadre de leur pénitence. Il est venu à être considéré comme un acte nécessaire de la soumission à Dieu. Certains hommes saints soutenu que fouetter avait le pouvoir de sauver les âmes de l'enfer. Ils croyaient que l'humiliation et la douleur physique fourni un moyen par lequel on peut devenir pleinement humain. Les Psalmistes étaient dans la pratique de se fouetter tous les jours.
Les chrétiens peuvent-ils se livrer à cette pratique après tout ce que la psychanalyse
nous a appris ?
Le désir spirituel ne risque-t-il pas d'être perverti au service d'une toute-puissance narcissique pas très évangélique ?
Deux psychanalystes catholiques donnent leurs avis.
Jean-François Noël, prêtre et psychanalyste, est réservé dans sa critique : "Attention à ne pas juger. Il est évident que toute souffrance que l'on voit chez l'autre nous scandalise, et d'abord parce qu'elle nous renvoie à une forme de culpabilité. C'est encore plus insupportable si quelqu'un s'inflige lui même une douleur corporelle pour Dieu. D'une certaine façon, nous nous lavons de notre culpabilité en accusant cette personne de masochiste. Mais alors nous sommes un peu pharisiens. Car les choses sont peut-être plus compliquées que cela. Je pense que la psychanalyse n'est pas forcement compétente pour sonder le mystère du lien qui existe entre un croyant et son Dieu. C'est une relation amoureuse, et comme dans toute relation amoureuse, cela échappe à une analyse clinique. Le psy n'a pas réponse à tout. Certains actes qui apparaissent pathologiques peuvent aussi, une fois scrutés en vérité, se révéler être porteurs d'un don très profond de soi. Le seul critère qui importe ici est de savoir si une telle pratique est au service de la pulsion de vie ou de la pulsion de mort. Le discernement doit porter là-dessus."
Geneviève de Taisne, psychanalyste mais aussi ouvertement catholique, met clairement en garde contre cette démarche : "Beaucoup de jeunes passent par des souffrances infligées à leur corps- comme les scarifications - pour ressentir ce qu'il sont dans la tête. Par analogie, des croyants peuvent avoir envie d'être en communion avec le Christ en ressentant sa souffrance, pour devenir alors « comme » le Christ. Mais on tombe alors dans la pensée magique. Je constate aussi que l'on peut s'infliger une douleur dans le but de s'autopunir de son péché. Mais cela s'assimile à la toute-puissance : il faudrait plutôt s'abandonner au pardon de Dieu. » La mortification, est, selon elle, encore d'actualité dans l'Eglise, et répond à des besoins spécifiques : "Je sais que l'autoflagellation est encore pratiquée dans certains couvents ou séminaires, et souvent pour dompter le désir sexuel. Mais alors, c'est une manière d'enlever sa pulsion, de la retourner en violence contre soi, au lieu d'essayer d'en faire quelque chose d'autre en la sublimant ou en s'y confrontant. Il y a une manière parfois très archaïque de dominer son corps, ou de passer par la souffrance pour se sentir humble." Endurer une souffrance selon certaines circonstances n'est pas du même ordre que de s'infliger une douleur volontairement. "Accepter d'être à genoux et d'avoir un peu mal dans les jambes lors d'une veillée d'adoration n'a rien à voir avec le fait de prendre un fouet pour se faire mal. Dans ce cas, on accepte de souffrir parce que l'on est dans un cadre particulier au service d'un acte liturgique" explique Geneviève de Taisne, qui ajoute : "Si je fais une marche en montagne vers un sommet, il y a un moment où je vais souffrir dans mon corps, mais le but est de parvenir au sommet, de jouir d'un bonheur. La souffrance fait partie du chemin, mais n'est pas voulue pour elle-même."
La secte des khlystis
Terme signifiant fouetteurs, ils était répandue au début du siècle dans certaines régions de la taïga sibérienne et il n'est pas exclu qu'elle continue à opérer à l'heure actuelle, spécialement dans les régions marécageuses où la civilisation moderne n'a pénétré que marginalement.
Les khystis observaient un rituel païen et christianisant empreint de gnosticisme (croyance que les hommes sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais ou imparfait appelé le Démiurge) et ils étaient convaincus que la descente de l'Esprit saint changeait l'homme en Dieu et la femme en Vierge Marie. Ils avaient coutume de se rassembler dans la nuit du samedi dans une maison du village et là, ils entonnaient un chant d'invocation de l'Esprit saint après avoir allumé douze bougies. Ils se disposaient ensuite en deux cercles : le premier, formé des hommes, tournait dans le sens des aiguilles d'une montre à l'intérieur du deuxième, composé des femmes et tournant en sens inverse. Au cours de la danse qui devenait de plus en plus frénétique, les sectateurs se fouettaient mutuellement jusqu'à ce que, parvenus au paroxysme de l'excitation, les cercles se scindent et que l'un des disciples entre en transe. A ce stade, les lumières s'éteignaient et commençait une orgie collective. Aux premières lueurs de l'aube, une femme nue, qui représentait la fécondité de la Vierge Marie, distribuée à l'assemblée des grains de raisin sec en guise de communion. C'est Grigori lefimovitch Novykh dit Raspoutine, bien connu à la cour du tsar Nicolas II, qui a décrit ce rituel. Raspoutine, thaumaturge et mage craint et respecté, était membre de la secte de khlystis et fit beaucoup parler de lui à la cour.Parmi les groupes qui s'inspirent d'une façon ou d'une autre des khlystis, mentionnons les dukhobors « Buveurs de lait », actifs en Russie méridionale, les « Sauteurs » qui cherchaient à faire revivre la danse du roi David devant l'Arche d'alliance en se livrant à des crises hystériques provoquées par des danses extatiques, les skoptsis ou « Blanche colombes » qui s'émasculaient afin de ne pas céder à la tentation de la chair, et totalisaient environ soixante cinq mille fidèles à la fin du XIXe siècle ; et pour finir les « Frères de la mort » qui mettaient fin à une vie entachée de péché en pratiquant le suicide rituel et collectif.
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