Cet article va vous immerger dans la communauté acrotomophile. C’est une déviance sexuelle peu connue. Les codes, les termes, les explications sont très spécifiques, …. Je pense qu’il est important de s’attarder (un peu) sur les différents profils des personnes qui gravitent dans ce milieu pour mieux comprendre/découvrir cette déviance. Et ainsi, mieux appréhender la petite communauté des fétichistes qui font partis de ce milieu.

L’amputation volontaire ou le désir d’être amputé est une pratique nommée apotemnophilie (personne qui est sexuellement attirée par les personnes amputées, et sexuellement excitée par l'idée qu'elle pourrait devenir amputée elle-même) à ne pas confondre avec l’acrotomophilie (du grec acro, extrémité, membre ; tomo, coupure ; philia, attirance, amour de), terme médical signifiant un désir sexuel envers les amputés.

Ceux qui envisagent l’amputation volontaire sont appelés aspirants (en anglais, wannabes). Les psychiatres considèrent l’apotemnophilie comme Trouble Identitaire Relatif à l'Intégrité Corporelle (TIRIC - en anglais BIIC : Body Integrity Identity Disorder) cette déviance sexuelle est la résultante de l'excitation sexuelle-érotique, ainsi que l'atteinte de l'orgasme qui est déclenchée et conditionnée par le désir intense d'être soi-même amputé. L'amputation peut être partielle et concerner n'importe quelle partie du corps.

Cette déviance sexuelle reste rare et peut s'accompagner chez certaines personnes de troubles psychologiques, notamment dans leur vision du partenaire amputé. (Il ne s'agit pas des personnes dont le conjoint a subi une opération). Il existe également l’asomatognosie qui est un trouble du schéma corporel qui entraine notamment une absence de reconnaissance des parties du corps. Dans beaucoup de ces cas, la personne en question délire et nie l'existence du membre affecté ou leur droit de propriété. L’étape supérieure est la somatoparaphrenie, elles attribuent la propriété de leurs membres à une autre personne.

Fervent (en anglais: Devotee)

Une personne qui est fortement attirée envers ceux qui possèdent des caractéristiques physiques particulières, comme les poitrines inhabituellement volumineuses par exemple. Ce terme est appliqué à ceux qui sont particulièrement attirés par ceux qui ont un ou des handicaps physiques et plus particulièrement une ou des amputations. En cela, on peut dire qu'il est " fervent" d'admiration. Le terme acrotomophile est le plus souvent remplacé par l'appellation devotee. Il existe une vraie communauté sur le net de devotees différenciée par plusieurs groupes, sites et forums qui permettent aux personnes non amputées et amputées d’engager des dialogues.

Aspirant (en anglais : Wannabe, contraction de 'want to be')

C’est une personne qui désir être amputé, en souhaitant se voir amputer un ou plusieurs membres sains qui, selon lui sont malades ou laids. En cela, on peut dire qu'il est aspirant au titre d'amputé, et non aspirant amputé car il ne l'est pas (encore) quoique beaucoup d’aspirants simulent l'amputation en se nouant un bras ou une jambe. On parle alors de simulateurs. Le wannabe n’a pas de déficiences dans le contrôle de ses mouvements, il n’a ni un corps déformé ou incomplet. En fait, le Wannabe est une personne qui imite ou rivalise avec un autre. S’il rivalise avec un autre : voici le schéma: le wannabe imite un autre wannabe qui imite un autre wannabe et ainsi de suite. Le terme wannabe se traduit par «manque à être / veut être». Une personne qui est considérée comme un wannabe est une personne qui se considère comme supérieur ou sur un autre niveau que l’autre, dans la majorité des cas, c'est parce qu'il a quelque chose que l'autre n'a pas, même si cela ne contribue en rien dans l’épanouissement du partenaire. Il veut devenir une autre personne, il essaie de l'imiter au mieux. Les wannabes qui ont eu recourt à l’amputation se contentent d'utiliser une prothèse.

Dysmorphophobie (en anglais, Body Dismorphic Disorder (BDD))

La personne trouve une partie de son corps laid et donc veut s’en séparer, c’est une crainte obsédante d'être laid ou malformé, fût-ce une imperfection légère réelle, voire imaginaire. Il y a deux formes de cette maladie : une forme accompagnée d'hallucinations et une forme sans hallucination. Les hommes et femmes développent des pratiques rituelles compulsives pour couvrir leur(s) défaut(s). Ils peuvent rester un temps considérable en face d'un miroir pour tenter de se rassurer mais l'effet est souvent inverse. Ils cherchent de manière compulsive des médecins, des médicaments ou ont recours à la chirurgie plastique. Ils peuvent aller loin pour améliorer leur apparence, utilisant des méthodes parfois dangereuses. Certains peuvent même tenter l'auto-chirurgie ou le suicide.

Trouble Identitaire Relatif à l'Intégrité Corporelle (TIRIC), également connu sous le nom Amputation Identity Disorder (AID)

En l'espace de quelques années, plusieurs descriptions ont été faites de personnes qui ne se reconnaissent pas dans leur disposition anatomique et demandent l'amputation d'un membre valide, alors que les évaluations psychiatriques faites ne mettent pas en évidence de troubles psychiques patents, névrotiques ou délirants. Ils souffrent de ne pas se sentir eux-mêmes et se décrivent soulagés par l'amputation lorsqu'elle a été pratiquée, soit chirurgicalement, soit accidentellement dans un acte automutilation.

Internet a pris un rôle majeur dans la diffusion de ce phénomène. A savoir, qu’à titre d'expert et de référent éthique lorsque les chirurgiens sont prêts à accéder à la demande de ces personnes, il peut y avoir amputation, sous réserve qu'elle soit appuyée par un avis psychiatrique. Il se pourrait qu'il existe deux ou trois causes pour le désir d'amputation, certaines personnes souffrent de Dysmorphophobie (BDD), d'autres souffrent de déviances sexuelles, et d'autres souffrent d'une forme de TIRIC. Quelques personnes pourraient même souffrir d'une combinaison de ces troubles. L'élément sexuel est le point commun des trois causes, mais ce n’est pas inévitable .La sexualité est après tout un ingrédient indispensable pour la plupart des gens, c’est sentiment d'identité. Pour un wannabe le désir d'amputation est indissolublement une question de sexe et d'identité. Dans le cas d’un TIRIC, l’amputation est surtout sexuelle sans cesser d'être essentielle à l'identité.

Dans un cadre fétichiste, l’acrotomophilie concerne les préférences sexuelles liées au(x) membre(s) manquant(s), mais également aux anomalies congénitales, la cécité ou même la paralysie. Ainsi que les comportements compulsifs (comportement caractérisé par la répétition persistante d’une action, sans obtenir de récompense ou de plaisir. L’action est généralement petite et délimitée, presque rituelle, toutefois sans atteindre un niveau pathologique. Exemples: jouer avec ses cheveux, vérifier tout le temps quelque chose, aligner les objets etc.), ces préférences sexuelles insolites ne sont pas nettement définies, ni très claires pour les acrotomophiles eux-mêmes.

Cependant le fétichisme lié à l’acrotomophilie peut être source de confusion, car les critères ne sont pas les mêmes : le fétichiste est attiré par l’objet inanimé (prothèse, fauteuil roulant,...) ou une partie du corps objectivé (tronc, les jambes de la polio...), tandis que les amateurs sont sexuellement attirés par une personne ayant un handicap, car cela rend la personne spéciale. Les passionnés ne sont pas intéressés à avoir des relations sexuelles avec un « objet », mais veulent partager leur vie avec quelqu'un qui est handicapé. Les amputés sont en générale assez réticents à s'engager dans une relation avec un dévot, car ils peuvent tomber sur un fétichiste.

Cette confusion est souvent la source de la plupart des malentendus entre la personne handicapée et l'adepte. Les dévots sont rarement prétendants; les aspirants sont souvent les prétendants, quelques rares passionnés sont wannabes, mais ceux qui veulent le devenir ne sont pas beaucoup fidèles.

Ne pas faire n’importe quoi ! N’importe comment !

Une petite proportion de wannabes persistent dans leur désir d'amputation, , même face à des refus répétés. Les sites Internet gérés par des aspirants discutent souvent sur des moyens indolores et sans danger, ou d’endommager suffisamment la/les partie(s) pour s’assurer que les chirurgiens n'ont pas choix pour l’amputation. Certains wannabes se sont eux-mêmes amputés une jambe par des moyens dangereux, tels que : fusil de chasse, couteau de boucher, scie à chaîne... D'autres se sont tournés vers les chirurgiens incompétents après que les médecins compétents aient refusé de les amputer. En 1998, aux États-Unis, un homme de soixante-dix-neuf ans est mort de gangrène après avoir payé 10 000 dollars pour une amputation au marché noir. A contrario, en Grande-Bretagne, un chirurgien, Robert Smith, a déposé une demande officielle pour être autorisé à amputer la jambe droite (saine) de l’Américain Gregg Furth. On apprit alors que Smith avait déjà pratiqué par deux fois des amputations volontaires (avec l’aval des autorités) sur des patients proches du suicide. Le nombre d’amputations volontaires réalisées est inconnu mais au sein des pratiquants des modifications corporelles extrêmes, il semble que ce soit une pratique en augmentation…

Deux objections concernant le changement d'identité

La première question est de savoir si les wannabes sont compétents pour prendre une décision. Il est clair que certaines personnes qui pourraient demander l'amputation des membres en bonne santé ne sont pas rationnelles. Ni les personnes schizophrènes qui croient que Dieu leur dit d’amputer leur jambe (ou une autre partie de leur corps), ni les personnes atteintes de somatoparaphrenie qui tentent de jeter leur jambe hors de leur lit, car ils pensent que ce n'est pas la leur. Il est important de garder à l'esprit qu'ils ont passé de nombreuses années - peut-être même des décennies - avec selon eux une identité non conforme à leur. La plupart des aspirants déclarent avoir eu un sentiment d'aliénation somatique depuis l'enfance.

La deuxième objection est que le wannabe n'est pas en mesure de donner un avis éclairé sur l’acte chirurgical, car il ou elle n'a pas - et ne peut pas savoir ce que c'est que d'être une personne amputée. Néanmoins, il y a quelques wannabes qui en ont déjà une idée, ils passent leur week-end dans un fauteuil roulant ou se lie la jambe ou le bras … Dans une certaine mesure et de manière factice ils savent sur une courte période ce que c’est que d’être une personne amputée.

Chaque communauté à ses propres codes, voici les abréviations utilisées sur les sites, forums …

Pour que les contactes soient mieux ciblés une variété d'abréviations est devenue courante dans la communauté des fervents et des amputés. Elles combinent la première lettre de la description anglaise de la ou des amputations que la personne a subie en une combinaison de trois ou quatre lettres, comme par exemple "SAK" ou "SLAK". Si une personne se présente en tant que « DAK », l’acronyme signifie « Double Above Knee » (double au dessus du genou) on se réfère à quelqu'un dont les deux jambes ont été amputées au dessus du genou.

Les abréviations qui sont fréquemment utilisées. (Pour des raisons pratiques et surtout de communication les abréviations anglo-saxonnes on été conservées)

A = au dessus / B = en dessous / D = désarticulation (suffixe) / L = gauche / R = droit / S = simple (préfixe) / D = double (préfixe) / H = hanche (au milieu) / S = épaule (au milieu) / K = genou / E = coude

En combinant les abréviations

Le bras

Désarticulation de l'épaule Gauche : LSD

Désarticulation de l'épaule Droite : RSD

Désarticulation de l'épaule Double : DSD

Désarticulation de l'épaule Simple : SSD

Au dessus du coude Gauche : LAE

Au dessus du coude Droite : RAE

Au dessus du coude Double : DAE

Au dessus du coude Simple : SAE

En dessous du coude Gauche : LBE

En dessous du coude Droite : RBE

En dessous du coude Double : DBE

En dessous du coude Simple : SBE

La jambe

Désarticulation de la hanche Gauche : LHD

Désarticulation de la hanche Droite : RHD

Désarticulation de la hanche Double : DHD

Désarticulation de la hanche Simple : SHD

Au dessus du genou Gauche : LAK

Au dessus du genou Droite : RAK

Au dessus du genou Double : DAK

Au dessus du genou Simple : SAK

En dessous du genou Gauche : LBK

En dessous du genou Droite : RBK

En dessous du genou Double : DBK

En dessous du genou Simple : SBK

A noter que les amputations au travers du genou ou du coude sont des désarticulations du genou ou du coude mais sont référencées respectivement comme AK ou AE. De même, les amputations du pied au travers de la cheville sont souvent appelées « Amputations Syme » du nom de l'inventeur de la technique mais sont référencées comme BK.

Ainsi on peut avoir une annonce de ce type : JF - grande, mince, très belle, longs cheveux blonds et un très joli sourire, LAK. (Cette jolie jeune fille a la jambe gauche amputée au dessus du genou … maintenant reste à savoir quels sont les attributs de la jolie jeune fille qui vont vous faire répondre à l’annonce ?).

La plupart des acrotomophiles sont des hommes qui sont attirés par des femmes amputées. L’acrotomophile préfère généralement les femmes amputées avec des béquilles, « les AK » (au-dessus du genou), à cause de leurs mini-jupes. (Ah ! les hommes tous des obsédés !)

En général, les acrotomophiles puristes n'aiment pas voir une amputée porter une prothèse (et ne sont pas attirés par l'amputation du bras … ceci est un autre débat). Il y a également les acrotomophiles gays et lesbiennes qui sont attirés par les amputés de même sexe, or, leur sexualité est souvent ignorée ou refusée.

C’était une petite escale dans la communauté acrotomophile. En faisant abstractions du côté psychiatrique et/ou moralisateur.
Que chacun puisse s’épanouir dans sa sexualité (avec respect) et partager sa conception de l’identité corporelle …