Dimitry Stefanowsky (Substitut du procureur impérial à Iarosawl - Russie) dans « Le passivisme », Archives de l'anthropologie criminelle, vol VII, 1892, pp.294-298, montre que cette étrange perversion sexuelle - le fétichisme dans l’amour, à laquelle il donne le nom de passivisme, doit constituer une forme à part de la folie érotique à côté du sadisme dont elle présente justement le contraire.
Selon lui le passivisme consiste en une complète et absolue résignation
de la volonté d’une personne au profit d’une autre personne, dans un but érotique.
Le passivisme chez l’homme, se définit comme une abdication volontaire de sa volonté faite par un homme au profit d’une femme, avec désir immense d’être abusé et maltraité par elle.
C’est dans cet abus de mauvais traitements que consiste la volupté suprême d’un passiviste. Ce sont les
humiliations, les injures, les coups reçus d’une femme qu’il désire avec avidité, parce que c’est le seul moyen pour produire une excitation sexuelle et le plonger dans un orgasme
érotique.
Le passivisme est le contraire et l’opposé du sadisme.
Ce sont deux extrêmes qui se touchent.
Le sadisme aime à infliger la douleur, le passiviste jouit quand il éprouve cette douleur. La volupté du premier,
c’est la volupté d’un bourreau ; la volupté du second, c’est la volupté d’un martyr. Qu’on ne s’étonne pas de telle volupté, certes elle existe et nous avons des milliers
d’exemples.
Jean-François Tarnowski 1948-2005 est un théoricien et critique de cinéma, ainsi qu'un scénariste français. Il a
publié une observation : il s’agit d’un honnête père de famille, qui, à des époques fixes, quitte sa demeure et va passer un certain temps chez plusieurs prostituées, louées d’avance, qui,
selon un programme, le soumettent à des humiliations, des flagellations et à d’autres corrections physiques d’une grande violence.
Les phénomènes du passivisme sont très variés et divers. On pourrait les diviser magistralement en deux
classes : le passivisme moral et le passivisme physique.
Le passivisme moral consiste surtout en humiliations et
avilissements devant une femme.
On y doit mentionner aussi les goûts pervers pour les sécrétions du corps féminin, les cunnilingus, les
stercoraires (tout ce qui a un rapport avec les excréments). Un vieux négociant russe venait souvent dans une maison publique et régalait largement les filles, qui devaient cracher dans un verre,
après quoi il avalait ces crachats avec énorme plaisir.
Il arrive quelquefois que le passivisme est accompagné de l’inversion du sens génital. Alors la personne adore non plus une femme, mais un homme. Dans ce cas, le passiviste devient un fellateur, le Docteur Luiz, dans un livre intitulé Les fellatores. Moeurs de la décadence, Paris, 1888, Union des bibliophiles, a merveilleusement décrit cette variété des passivistes, dont le plus grand plaisir consiste dans une humiliation inouïe et presque incroyable. (Cf. à un officier et à un gentilhomme russe qui prodiguaient ces sales caresses à des nouveaux conscrits et à de jeunes paysans)
Le passivisme physique
Le Docteur Cox, Colorado, en Amérique, a communiqué un fait du même genre, (Voir Alienist and Neurologist,
1883, April, p. 345.) Il raconte qu’il a observé un heureux père de famille, qui fréquente chaque semaine une maison publique, et après avoir choisi deux ou trois filles, les plus fortes et
les plus lourdes, ôte sa chemise, se couche à la renverse sur le plancher et ordonne à ces filles de le fouler et de l’écraser avec les pieds. Après deux ou trois heures de pareils tourments et
humiliations il se lève et s’en va.
Les faits de ce genre nous démontrent que la flagellation passive, un moyen bien connu et pratiqué par tous les
débauchés, agit surtout psychiquement et pas du tout physiologiquement. On a toujours cru que cette flagellation
augmente l’afflux du sang aux fesses et y produit une surexcitation nerveuse des nerfs dorsaux et cruraux (ils se situent dans la cuisse). Mais cette surexcitation est produite par l’idée seule
de dépendance, de la suggestion absolue devant une femme irritée.
Le passiviste fait abdication de sa volonté au profit du sujet aimé ; il veut devenir son esclave, sa chose.
Il veut être employé à des plus viles besognes, il veut qu’on le batte, le fouette. Il ne trouve d’ordinaire que des prostituées mercenaires qu’il achète avec son argent, mais son rêve, son idéal
suprême serait de trouver une femme sadiste qui le tourmenterait pour son propre plaisir. Il serait heureux de trouver un bourreau véritable, pas fictif, qui éprouverait une volupté en lui
infligeant la douleur ; il s’adonnerait corps et âme à un pareil marquis de Sade féminin.
Parmi les romanciers allemands modernes il y a Sacher-Masoch 1836-1895, écrivain et journaliste autrichien, qui
nous présente le plus parfait type du passiviste qu’on pourrait imaginer. Dans tous ses romans et nouvelles, ce sont les passivistes sous diverses formes. Le plus célèbre de ses romans, La Vénus
en fourrure, nous montre un jeune homme élégant et spirituel qui est devenu volontairement le laquais d’une cruelle maîtresse. Il reçoit des coups de pied, de cravache, de fouet. Il éprouve une
étrange volupté à la vue d’un rival qui a obtenu les faveurs de sa belle. Loin d’être jaloux il continue à recevoir des soufflets, des fustigations même de la main de son heureux rival, et il y
trouve un mélange voluptueux de douleur et de joie.
Après avoir exposé la théorie du passivisme il faut faire attention de ne pas le confondre avec d’autres faits du
même genre. L’adoration de l’objet aimé existe aussi dans l’amour normal ; un amoureux fait aussi des sacrifices, mais ce n’est pas du passivisme. L’anomalie pathologique commence lorsque
ces sacrifices sont faits sans cause et sans but, lorsque l’amoureux veut subir des humiliations inutiles, des fustigations et des coups dans le seul but d’exciter sa sensualité. Ce n’est pas
pour le bonheur de sa bien-aimée qu’il renonce à sa volonté ; il est en général indifférent pour ce bonheur ; il n’aime plus aucune femme. II s’adresse aux prostituées, il lui faut un
bourreau quelconque ; il devient heureux lorsqu’il trouve une vile mercenaire qui consent pour de l’argent à jouer avec lui cette avilissante comédie du passivisme, faire de lui son esclave,
son chien, sa chose !
Ce qui explique le fétichisme érotique n’est pas suffisant pour expliquer le sadisme et le passivisme, parce que
l’observation montre que ces goûts pervers apparaissent dans la plus tendre jeunesse, sans aucune association.
L’explication de Richard Freiherr von Krafft-Ebing 1840-1902, psychiatre austro-hongrois, il dit que ce n’est
autre chose qu’une exagération pathologique du caractère sexuel de la femme. Mais professeur n’a pas remarqué le rôle de l’hérédité psychique dans les phénomènes de l’amour morbide. Dans ce cas,
il faut revenir toujours à nos ancêtres :
le combat entre les hommes et la cour faite par les hommes aux femmes nous donnent l’explication nécessaire. Tandis que le sadisme a sa source dans les sentiments du combat pour décider de la
possession des femmes, le passivisme pourrait être expliqué comme exagération pathologique de la cour faite aux femmes pour gagner leurs faveurs.
Heureusement qu'on ne se cantonne pas
qu'à des catégories figées!
Vive les différences et les associations de déviances ...
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